Devenir chercheur : écrire une thèse en sciences sociales
10 février 2019
Ce texte de Maryvonne Charmillot, intitulé : « Penser l’écriture de la science. » a paru dans la Collection Cas de Figure Fasc. 29, sous la direction de Moritz Hunsmann et Sébastien Kapp du livre « Devenir Chercheur » : Écrire une thèse en sciences sociales (2013) aux Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, aux pages 155-169. Notre compte rendu critique sera alors organisé autour du débat sur l’écriture scientifique qui débouche sur comment la repenser.
L’objectif de l’auteure est alors de « proposer au lecteur des pistes de réflexion et d’analyse de cette dimension émancipatrice de l’écriture scientifique, à savoir l’écriture en tant que processus de construction des connaissances dans une visée critique ».
2.2 Moyen
Sa démarche en tient compte du genre en questionnant le bien-fondé d’une écriture dite scientifique. Elle fait la différence entre l’écriture scientifique évidente dans certains champs scientifiques comme les mathématiques, la physique, la chimie… et le champ des sciences humaines et sociales, qui est aprioriplus complexe ?
Dans l’introduction (1er paragraphe), elle pose le fondement de l’écriture scientifique. Ce genre existe-t-il ? si oui, qu’est-ce qui le caractérise ? Dans la partie suivante elle détaille ce qui fait débat dans l’écriture de la recherche avant de tenter de la caractériser (Quand écrire fait souffrir, écrire pour penser, le souci d’autrui, la peur et le désir d’écrire comme peur et désir de penser). C’est une démarche progressive permettant de comprendre l’écriture scientifique et comment sortir de ce tourbillon.
2.1 Le débat sur l’écriture scientifique
Pour ce champ scientifique, une définition unanime de ce concept s’avère difficile et complexe au regard de la multiplicité des postures épistémologiques des chercheurs. Le débat donc se cristallise entre autres autour des éléments comme la validité des textes, de ce qui fonde cette validité, de la finalité des écrits.
Qu’elle est l’écriture idéale ? Celle qui transmet de façon transparente les résultats de la recherche tels que construits ou pas ? En prenant l’exemple du marqueur linguistique ‘’Nous’’ qui est majoritairement utilisé et considéré comme ‘’garantie d’objectivité des savoirs produits’’, Charmillot se demande si cela n’est pas abusif et n’entraîne pas une perte d’identité du chercheur. Pour elle, l’emploi du ‘’je’’ n’empêche pas le processus d’objectivation en écriture et la manifestation de son appartenance et sa reconnaissance. Toutefois, il faut savoir garder la juste mesure comme Sardan le conseille pour éviter « un excès d’autoréflexivité au détriment d’une réelle production de connaissances ».
2.2 Caractérisation de l’écriture scientifique
Le constat est paradoxal de la perte croissante d’efficacité de la pensée moderne et de sa capacité à influer sur le cours du monde, en dépit de l’accroissement du nombre chercheurs ou de savants. Les chercheurs doivent se ressaisir pour mettre de la pensée dans les textes. Pour ce faire, l’écriture scientifique doit être pensée de sorte à pouvoir suivre les interrogations suivantes de Schurmans : « Dansquel sens va mon travail de recherche, d’une réduction des inégalités et des injustices sociales ? d’une habileté à piloter l’action ? d’un accroissement de l’actorialité par le dévoilement des déterminismes ? »
A cette fin, Caillé préconise l’usage d’une langue accessible dans nos universités au lieu d’un langage opaque qui ne parle pas du tout aux personnes. Pour que l’écriture puisse être un moyen de restauration de la pensée, il faut des auteurs acteurs et capables de se faire une certaine marge de liberté vis-à-vis des exigences du monde de la science pour donner du sens à ce qu’il écrivent afin de favoriser la compréhension de la réalité par le lecteur. Dès lors écrire peut devenir le moyen de décloisonner le savoir scientifique.
Pour Charmillot, écrire fait souffrir même aux vétérans dans le domaine. Cette souffrance en écriture s’explique entre autres par cet impératif d’objectivité, le risque que cela représente de se dévoiler au regard scrutateur des autres et à l’évaluation de la communauté scientifique anonyme et invisible dont on ignore les critères d’appréciation. Mais l’écriture est obligatoire pour quiconque veut embrasser la carrière académique de chercheur.
Il s’agit d’une invite à « adopter une « posture Responsabilisante à travers la figure du « chercheur solidaire » selon la classification Florence Piron et de penser conjointement écriture, utilité et usage des savoirs scientifiques. » Et elle s’inscrit dans la perspective d’Alain Caillé pour qui l’utilisation « d’un langage accessible est opportune pour les chercheurs, auprès d’un public qui cherche des réponses aux phénomènes sociaux ».
IV. Bilan du message et regard critique
Le texte invite à penser l’écriture scientifique en procédant à la reconversion de la peur et du désir d’écrire en peur et désir de penser. Cela peut contribuer à exorciser cette angoisse de faire face la page blanche et la souffrance liée à notre rapport à l’écriture scientifique. Il faut aussi se donner l’autorisation de se libérer de la peur de pensée induite entre autres par notre impuissance face au système économique en place, la hiérarchie académique, à notre solitude, aux exigences de publication. Pour vaincre cette peur de penser, la culture du désir de penser à « résister […] à l’homogénéisation d’un système de valeurs […], homogénéisation solidaire des intérêts dominants ». Car, chercher à caractériser l’écriture scientifique, « c’est prendre position dans la manière de penser la science ».
Le texte est interpellateur car l’auteure nous invite à revoir nos copies en matière d’écriture scientifique pour plus d’engagement, de liberté et de responsabilité. Cependant, la grosse question est celle de savoir si les débutants peuvent s’affranchir de certains jougs sans la volonté et l’accompagnement des vétérans. En effet, l’important c’est de « prendre au sérieux la responsabilité du chercheur face au monde qu’il contribue à construire et à transformer à travers ses textes. Penser l’écriture de la science, […], c’est inviter chacun et chacune à prendre acte, à sa manière et dans la mesure de ses possibilités, de l’existence des effets de ses textes ».
Démarche de compte rendu trop théorique et académique. C’est comme si on voulait essayer un plan de résumé. Alors que le compte rendu suppose la production d’un nouveau texte original, mais tout aussi cohérent.
Comment doit-on améliorer le texte ?